mardi 19 août 2008

L'ADN ET LES DROITS DE L'HOMME

Depuis quelques années, les laboratoires de recherche pharmaceutique sont confrontés à un problème économique qui les préoccupe au plus haut point : le nombre de nouvelles molécules qui arrivent sur le marché ne cesse de diminuer, sans doute à cause des effets indésirables de certaines d’entre elles, qui sont peut-être aujourd’hui davantage contrôlés et pris en compte que par le passé.

Du coup, il parait tentant de remettre sur le marché, sous couvert de nouvelles études, quelques unes de ces molécules qui avaient été rejetées, en les destinant plus particulièrement à certaines catégories de populations et non à tout le monde.

On assiste ainsi, peut-être, sous la pression des lobbies pharmaceutiques, à la naissance d’une médecine ethno-raciale de circonstances, dans laquelle on demandera au patient, en même temps que la description des symptômes dont il souffre, de déclarer lui-même son appartenance à un groupe ethnique.

L’exemple du BiDil, aux États-Unis, est révélateur de cette dérive marchande des connaissances sur l’ADN. Il s’agit d’un médicament contre l’hypertension artérielle dont la commercialisation avait été refusée en 1997 par les autorités compétentes et qui a fait un retour inattendu, sinon triomphal, en 2005, mais cette fois réservé d’une manière spécifique aux Afro-Américains. Bien entendu et fort heureusement, cette médecine « raciale » n’est pas acceptée par l’ensemble de la communauté médicale aux États-Unis. Mais il n’empêche que cette tendance existe bel et bien et qu’elle tend même à s’officialiser. Et cela coïncide – ce n’est peut-être pas un hasard – avec un penchant très net pour l’affirmation d’une appartenance communautaire décomplexée.
On voit donc que les infimes variations génétiques qui caractérisent l’espèce humaine, mises en évidence par la biologie moléculaire, sont exploitées à des fins idéologiques et économiques.

Le danger est bien réel. Il n’y a, en effet, qu’un pas à franchir entre la médicalisation spécifique de groupes ethniques et la hiérarchisation affirmée de ces mêmes groupes.

Pourtant, comme l’explique Axel Kahn, la prédisposition à une maladie génétique et le traitement médicamenteux qui lui est appliqué ne concernent que des variations très légères de l’ADN ; très peu de gènes interviennent dans ces processus, « alors que les capacités cognitives reposent, elles, sur un équilibre extraordinairement subtil entre l’inné et l’acquis. Equilibre dont nous ne savons aujourd’hui presque rien ».

Alors quelle attitude adopter face à ces contradictions déroutantes ?

L’aval de la science n’est pas nécessaire pour respecter tous les humains, les considérer sur un plan d’égalité, qu’ils nous ressemblent ou qu’ils soient différents de nous. C’est affaire de conscience, l’ADN n’a rien à voir là-dedans. La science peut nous instruire sur ce qu’est le monde, mais elle n’a pas vocation à nous dicter notre conduite.


Les droits de l’homme ne sont pas ceux de l’ADN. Comme le dit Albert Jacquard « on est raciste par besoin de se rassurer ». Se sentir différent des autres c’est, d’une certaine manière, se penser supérieur à eux. Pour Albert Jacquard encore, « on remplace sournoisement le constat d’une différence par l’illusion d’une supériorité ».

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