jeudi 23 février 2012

LA SIXIEME CRISE

Non, non, il ne s’agit pas de ce que vous croyez. D’ailleurs, si j’avais voulu parler de la crise financière, je ne l’aurais pas qualifiée de « sixième », mais de énième.


La disparition des dinosaures entre autres espèces vivant à la fin de l’ère secondaire, il y a soixante cinq millions d’années, est corrélée à un phénomène de géodynamique interne et à une cause extraterrestre, tous deux à l’origine d’un bouleversement climatique soudain.
À cette époque, dans le golfe du Mexique, province du Yucatan, une énorme météorite d’une dizaine de kilomètres de diamètre venait de s’abattre sur notre planète. L’immense cratère d’impact de trois cents kilomètres de diamètre, encore décelable aujourd’hui, témoigne de cet événement hors du commun. Cette masse de plusieurs millions de tonnes qui a violemment heurté le sol a soulevé d’énormes quantités de matières qui ont été propulsées dans l’atmosphère.
Daté de la même époque, un autre événement, d’une ampleur également planétaire, a amplifié ce phénomène. Les trapps du Deccan, en Inde, témoignent en effet d’un épisode volcanique d’une exceptionnelle intensité. Trois millions de mètres cubes de laves basaltiques sont empilés sur deux mille quatre cents mètres d’épaisseur et s’étendent sur un million de kilomètres carrés, soit deux fois la superficie de la France. De gigantesques quantités de cendres, de gaz sulfureux et chlorés, de gaz carbonique et de vapeur d’eau sont donc venues se mêler, dans l’atmosphère, aux poussières projetées par l’impact de Chicxulub. La coïncidence fut tragique.
Après le coup de froid qui a immédiatement succédé à ce double cataclysme planétaire, la température s’est mise à augmenter par suite du renforcement de l’effet de serre. Dans un premier temps, en effet, un véritable écran, constitué par tous les matériaux projetés dans l’atmosphère, a fait obstacle aux rayons du Soleil : il faisait froid. Alors que dans un deuxième temps, le rayonnement solaire – même diminué – s’est trouvé piégé : les rayons infrarouges réfléchis par l’atmosphère furent renvoyés vers la surface terrestre, dans des proportions vraisemblablement sans commune mesure avec ce que l’on observe aujourd’hui : il faisait chaud.
Évidemment les êtres vivants ne sont pas sortis indemnes d’une telle épreuve.

Outre la disparition complète des différents groupes de grands reptiles du secondaire, d’autres espèces ont été plus ou moins touchées dans les océans et sur les continents, y compris chez les végétaux, pour lesquels la photosynthèse manqua cruellement de l’indispensable énergie lumineuse.

En revanche, certains groupes zoologiques et botaniques ont pu profiter de l’aubaine : les mammifères, confinés jusqu’alors dans des seconds rôles, vont s’épanouir et se diversifier en occupant opportunément les niches écologiques libérées par les grands reptiles disparus. À leur tour ils vont exercer une domination de plus en plus affirmée sur la planète. L’apparition de l’homme, bien plus tard, n’aurait sans doute pas pu se produire dans un monde dominé par les grands reptiles. De même l’évolution des oiseaux, apparus au Jurassique à partir d’un groupe particulier de dinosaures, est probablement liée à la disparition des reptiles volants. Dans le règne végétal, les plantes à fleurs vont s’imposer définitivement, sans pour autant supplanter complètement les autres groupes.
Après cette terrible crise vint l'apaisement, le monde vivant a changé. Il ressemble désormais de plus en plus à celui que nous connaissons aujourd’hui.
De nombreuses espèces animales et végétales furent définitivement rayées de la grande liste de l’évolution. C’est la loi de la Nature.
Mais cette crise planétaire n’est pas unique en son genre. Plusieurs causes – volcanisme de grande ampleur, inversions brutales et fréquentes du champ magnétique terrestre, variations du niveau marin, refroidissements climatiques, impacts météoritiques – ont pu être à l’origine des cinq grandes crises biologiques qui jalonnent l’histoire connue de notre planète depuis quatre cent trente-cinq millions d’années et qui se sont traduites par des extinctions massives et brutales d’espèces.
Ces causes sont évidemment naturelles : la Terre, petite boulle brûlante, n’en finit plus de se refroidir et le volcanisme, par exemple, lié à la tectonique des plaques est bel et bien indispensable à ce lent refroidissement ; qu’il s’agisse du volcanisme de point chaud ou de celui des dorsales océaniques. De même, cette planète qui nous est si chère, n’est qu’un point minuscule dans l’Univers, dans l’anonymat infini et dérisoire des innombrables corps célestes et elle est donc soumise à ces petites perturbations de la belle mécanique gravitationnelle qui peuvent modifier radicalement son climat.


Les êtres vivants de la Terre ne peuvent que subir ces changements climatiques ; ils n’ont aucun moyen de s’en protéger ou de s’y soustraire. Seul le hasard de la génétique peut leur donner les capacités adaptatives nécessaires pour survivre dans ces conditions de milieu changeantes. Il est curieux de constater que ce sont généralement les groupes les mieux adaptés à un environnement donné qui sont les premières victimes de ces évènements catastrophiques.

Mais aujourd’hui, un élément nouveau est venu perturber cette tranquille fatalité. Cet élément dérangeant, c’est vous, c’est moi, c’est l’homme.
Son activité débordante se traduit par des ruptures d’équilibre, notamment dans l’atmosphère. Les changements climatiques sont déjà perceptibles.
De nombreuses espèces disparaissent depuis quelques décennies, à tel point que certains scientifiques n’hésitent pas à évoquer une sixième crise biologique. Ces extinctions, qui ne sont, certes, pas encore massives – une espèce disparaît néanmoins toutes les vingt minutes, ce n’est pas rien – portent gravement atteinte à la biodiversité.
Est-il encore temps de mettre fin au processus de dégradation ? La responsabilité des hommes est totale. Chacun de nous doit réagir, prendre à son compte la sauvegarde de l’environnement, de manière à laisser aux générations futures, non seulement une Terre vivable, respirable, mais aussi un patrimoine biologique riche et varié, nécessaire à l’équilibre des écosystèmes et à la poursuite de l’aventure humaine.


La sixième crise a sans doute commencé. Quelles en seront les conséquences ? Saurons-nous nous montrer à la hauteur d’un tel événement ?
À nous, les citoyens de la biosphère, de faire pression sur les gouvernants de ce monde en déshérence.


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